Les déficits jumeaux américains vous connaissez ?

Le trou dans la balance américaine pourrait expliquer la faiblesse du dollar.

Pourquoi la balance américaine se creuse t-elle ? Les déficits jumeaux !

Si la balance américaine se creuse cela est dû aux déficits public et externe. Ces déficits sont si énormes qu’ils paraissent invraisemblables. En 2003 les USA ont dû emprunter 530 milliards de dollars au reste du monde pour y faire face.

Le déficit budgétaire

La politique menée par l’administration Bush ne pouvait conduire qu’à un déficit public abyssal. Les recettes ont effectivement été contrariées par les réductions d’impôts consenties alors que les dépenses se sont démultipliées. Le financement de la lutte contre le terrorisme et la guerre en Irak étant les principales dépenses.

Le solde des administrations publiques est passé d’un excédent de 1,6 points du PIB en 2000 à un déficit de 4,6 points du PIB en 2003. 196 milliards de dollars d’allégement d’impôt entre 2001 et 2003. Hausse de 100 milliards de dollars des dépenses de défense. Le déficit public a ainsi atteint 3,3 points de PIB en 2002 et 4,8 points en 2003.

Dès septembre 2003, depuis le sommet de Dubaï, le chef économiste du FMI Kenneth Rogoff annonçait que « le déficit budgétaire devrait frôler les 480 milliards de dollars en 2004.

Le déficit externe

En 2002 le déficit de la balance courante a atteint 4,6 points de PIB et a continué de se creuser en 2003 avec un déficit de 4,9 points du PIB. Rien qu’au second trimestre 2003 le déficit du compte courant atteint 140 milliards de dollars.

Devant l’importance des déficits américains les marchés financiers remettent en cause la soutenabilité des comptes extérieurs américains, les entreprises achètent alors moins de titres libellés en dollar ce qui dévalue le billet vert. Une limite au potentiel de baisse du dollar résiderait dans l’absence de marchés d’actifs de taille suffisante pour remplacer les titres en dollars dans les portefeuilles des investisseurs internationaux, ce qui implique qu’il ne peut y avoir de crise de change avec un effondrement du dollar, mais plutôt glissement régulier de celui-ci.

Seul le récent déficit public apparaît réellement comme le générateur d’un dollar faible

La combinaison du déficit public et du déficit extérieur est ce que l’on appelle les déficits jumeaux américains. L’euro s’apprécie et c’est donc la faute aux déficits jumeaux, voilà ce que l’on entend un peu partout. Certes la baisse du dollar est intervenue en présence de ces deux déficits mais à y regarder de plus près on remarque aisément que cela n’est pas tout à fait vrai. Le déficit externe, aussi impressionnant soit-il, se creusent depuis plus de 10 ans et n’avait pas influencé les marchés jusque 2002. En quoi pourrait-il donc être la cause soudaine d’un dollar faible ?

De plus on peut rapidement s’apercevoir que ces deux déficits ne sont pas corrélés, ils ne suivent pas toujours une évolution parallèle. Les déficits jumeaux sont apparus dans les années 80, sous l’ère de « la guerre des étoiles » menée par le Président Ronald Reagan. Dans les années 90, ils ont disparu lorsque le Président Bill Clinton, partisan d’un dollar fort, a rétabli l’équilibre budgétaire alors que le déficit externe ne se résorbait pas, bien au contraire. Et ils sont à nouveau réapparus avec un nouveau président républicain, Georges W. Bush.

Le déficit externe ne provient pas réellement d’une quelconque politique mais plus du comportement des ménages américains. Depuis une quinzaine d’année, le consommateur américain a continué de dépenser de plus en plus et a pratiquement cessé d’épargner. C’est cette baisse de l’épargne qui maintient le déficit externe à des niveaux vertigineux. Et lorsqu’il est aggravé par un déficit public on parle de déficits jumeaux. Mais c’est véritablement le déficit fédéral introduit par Bush qui a emmené dans son sillage le dollar.

L’évolution des déficits publics (fédéral) et externe (compte courant) de 1980 à nos à 2004
L’évolution des déficits publics (fédéral) et externe (compte courant) de 1980 à nos à 2004

Il est alors facile d’attribuer la baisse du dollar à une volonté, si ce n’est préméditée au moins opportuniste, de la politique US. N’y trouvant que peu de désavantages il apparaît plus que clair que la politique budgétaire (n’ayant pas pour objectif l’équilibre) constitue ce qui a provoqué la chute du cours du dollar face à l’euro. Les pays asiatiques se chargeant de combler une partie du trou, la politique intérieure ne s’en souciant pas. Les déclarations du Trésor américain regrettant au cœur de la baisse, le dollar fort ne doivent alors être prises que telles des lamentations surréalistes se voulant compatissantes des problèmes rencontrés par ses partenaires commerciaux.

Le trou de plus en plus grand au sein de la balance des paiements américaine reflète donc un déséquilibre entre l’investissement des Etats-Unis en hausse et une épargne domestique stagnante. L’équilibre budgétaire n’étant pas recherché, une proportion importante de l’épargne mondiale doit alors converger vers les Etats-Unis pour financer ce déficit. Les Etats-Unis empruntent donc au reste du monde faute d’épargne domestique, provoquant donc la baisse du dollar vis-à-vis des monnaies dont les banques centrales n’interviennent pas sur le marché des changes. C’est donc à la superposition d’un déficit public toujours plus grand depuis le début du siècle à un déficit extérieur déjà présent depuis de longues années que l’on doit l’appréciation de l’euro par rapport au dollar.